
On le sait, le bio est le grand gagnant du confinement. Mais de quel bio s'agit-il ? Du bio local et équitable ? Ou du bio intensif et sur-emballé ? Quel avenir pour ce label aux visages multiples, à la fois marqueur incontournable et tant controversé ?
François-Régis Gaudry reçoit Frédéric Denhez (ingénieur écologue, journaliste, auteur) et Guillaume Riou (président de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) dans On va déguster du 07/06/2020. 1h34 d'une émission passionnante résumée ici en 3 min.
"Les ventes de produits bio ont bondi..." Est-ce une si bonne nouvelle ?
La consommation de produits bio a augmenté de 63% dès le début de la crise sanitaire. Un engouement qui s'explique avant tout, selon Frédéric Denhez, par une attention particulière portée à la santé.
Les Français ont fait un lien direct entre le virus né de l'altération des écosystèmes et la nécessité de consommer une alimentation plus verte et donc plus bio.
Cependant, l'écologue souligne que le bio n'offre aucune garantie sur le respect de la planète, le respect des sols et le respect du vivant.
"Le bio, en se démocratisant, a laissé une partie de son âme"
Le bio s'est construit dans les années 70 sur une vision du monde et une vision politique. Mais depuis, le label s'est démocratisé, instrumentalisé par la grande distribution, il a rompu avec l'esprit de ses pionniers, nous explique Frédéric Denhez.
"Le bio ne peut plus se contenter d’une image magnifique qui s’est créée en opposition au conventionnel réputé sale. Le bio doit rendre des comptes."
"C'est toute l'agriculture qui doit se réinventer"
La défiance vis à vis de l'agriculture est manifeste. Selon Guillaume Riou, c'est toute l'agriculture, le bio y compris, qui doit recréer la confiance et répondre aux futurs grands enjeux sociétaux et environnementaux tels que la conservation des sols, la préservation du vivant et la diminution des emballages.
On ne peut pas continuer à "défoncer les sols sous prétexte qu’on n'y met plus de chimie"
Si le cahier des charges du bio souligne l'importance du respect des sols et de l'environnement, ces recommandations non contraignantes sont souvent ignorées par les industriels.
Le bio se limite a des indicateurs faciles à mesurer comme les pesticides, les engrais chimiques. Mais rien sur la biodiversité ou sur le confort du producteur.
Pourtant, Frédéric Denhez nous invite à ne jamais oublier que "l’Agriculture, c’est un paysan et un sol."
Le bio devra être un acteur des politiques publiques
La mutation des territoires et la densification des villes nous oblige à repenser les liens entre producteurs, travailleurs, distributeurs et consommateurs.
Frédéric Denhez est convaincu que le bio doit participer à la construction d'un projet de société. "Un projet, peut être même de civilisation, à refonder autour d’une agriculture nouvelle. Elle sera biologique."
"Il faut cultiver les âmes autant que les champs"
Xavier Mathias salue ces pionniers du bio qui ont eu "le courage extraordinaire de se dresser contre le rouleau compresseur de l'agriculture chimique de synthèse" et appelle à s'élever à nouveau pour faire évoluer le label bio pour "le soin de la terre."
Selon Guillaume Riou , "il est urgent de cultiver les âmes autant que les champs". L'industrie ne fait finalement qu'appliquer ce qu'on lui impose. "Si on lui demande de bosser comme il faut, elle le fait." Le pouvoir est entre les mains du consommateur.
"Deux labels privés qui s’ajoutent au label officiel"
Pour palier à ces défaillance du bio, deux nouveaux labels privés presque homonymes viennent de voir le jour : Bio Français Équitable et Bio Équitable en France.
Tous auraient préféré une évolution du label bio au niveau européen. Mais nous n'avons plus le temps d'attendre juge Guillaume Riou qui l'assure : "c'est une première brique, mais il y en aura d'autres".
Une émission à écouter en intégralité ici : Podcast On Va Déguster
* sondage réalisé en mai dernier par l’Observatoire Cetelem